Henri Pellet nous a envoyé un texte fort instructif sur cette période troublée et dangereuse de la seconde guerre mondiale. Je l'en remercie vivement car il nous éclaire sur les transformations de la formation des maîtres à cette époque.
Petit historique relatif à la scolarité des Normaliens de l'Isère (et d'un certain nombre de Haut-Savoyards) à partir de la rentrée 1940.
Durant l'été 1940, suppression des E.N. par Pétain (à Grenoble,
- seules subsistent les deux années de formation professionnelle pour les normaliens ayant réussi au concours avant 1940).
- Octobre 1940 : entrée de la promotion ayant réussi en juin 40, au Lycée Champollion de Grenoble (c'était mon cas)
- De 40 à 43, les élèves-maîtres (on ne dit plus « normaliens ») sont mêlés dans les classes à des lycéens. Ils prépareront la 1ère partie du Bac en 42, la 2ème partie en 1943.
A partir d'octobre 1943, la situation se complique :
- un certain nombre d'élèves-maîtres, les plus jeunes, iront en formation professionnelle (à l'ancienne E.N.) ou poursuivront leurs études ailleurs pour préparer le professorat de l'enseignement secondaire.
- D'autres (de la classe 1943) sont astreints au service dans les « chantiers de jeunesse » (souvent hors de l'Isère).
- Les plus âgés (classe 41-42) sont convoqués par les autorités allemandes et doivent partir en Allemagne dès juillet, pour le STO (Service de Travail Obligatoire).
Mon cas personnel
- Je suis réfractaire au STO donc j'entre en clandestinité
- A partir de juillet 43 je vis dans la montagne près d'Allevard grâce aux parents (fermiers) d'un de mes amis normaliens.
- Je suis rejoint durant l'été par plusieurs camarades de promo, eux aussi réfractaires au STO ou évadés des Chantiers de Jeunesse. Tout en participant aux travaux agricoles ou forestiers (pour aider des personnes nous ayant accueillis) nous resterons cachés jusqu'en avril 1944.
- A partir de cette date, nous regagnons Grenoble avec l'accord des autorités françaises et allemandes et nous reprenons nos études en formation professionnelle.
- C'est à partir d'avril 44, à l'Ecole Normale (anciens locaux) que nous ferons la connaissance de plusieurs normaliens d'Albertville venant faire leur F.P.. Voici leurs noms : Jean Duby, Hubert Ruggieri, Jean Gilly, Georges Duffaud, Max Robert, Charles Vallin, Metral.
- J'ajoute Emile Gauthier : c'était un évadé de Metz (Moselle annexée), réfractaire à son appel dans l'armée allemande. L'académie de Strasbourg l'avait affecté en qualité d'instituteur stagiaire en Haute-Savoie, donc rattaché à la promotion des Hauts-Savoyards.
A partir d'avril
- Avec quelques camarades normaliens, nous faisons partie depuis le lycée Champollion d'un clan scout Eclaireurs de France (clan des Brûleurs de Loups ou B.D.L.). Plusieurs Haut-savoyards acceptent de se joindre à nous.
- Nous poursuivons études et stages, très attentifs aux évènements militaires.
- Le débarquement allié a lieu le 6 juin, ce qui va complètement bouleverser nos vies. Nous passons (avant la date prévue) l'examen du C.F.E.N. (Certificat de fin d'études normales) et nous décidons de partir au maquis de l'Oisans, ce qui était prévu depuis longtemps.
- Les Haut-savoyards et nous, rejoignons le maquis dans la région d'Ornon puis d'Allemont (non loin de Bourg-d'Oisans).
- Pour des raisons personnelles, notre groupe se scinde en 2 : les uns dont ceux de Hte Savoie restent en Oisans, participent aux opérations contre les Allemands et subissent de lourdes pertes (voir photocopies jointes).
- D'autres, dont je suis ainsi qu'Emile Gauthier rejoignent un autre maquis de l'Isère près de Roybon-Tullins. Ils participent à la libération de Lyon le 2 septembre, puis aux combats dans les Vosges, l'Alsace, l'Authéon (Alpes maritimes) au sein de la 1ère Division Français Libre.
Noms des normaliens de Hte Savoie tués au combat en août 1944 :
- Jean Gilly, Georges Duffaud, Max Robert, Charles Vallin. (voir la page historique proposée par Henri : Henri Pellet (79ème) et la Résistance (suite))
Leurs noms sont inscrits sur plusieurs monuments ou stèles :
- sur une plaque apposée au Poursolet (près de La Morte) lieu des combats du 13 août 1944
- sur le monument au morts de tous les maquisards tués dans l'Oisans. Ce monument est situé en bordure de la route qui relie Grenoble à Bourg-d'Oisans, dans la vallée de la Romanche, au lieu dit « L'Infernet ».
- Sur des stèles élevées sur les lieux de leur mort : Max Robert, près de la Romanche à Gavet, Georges Duffaud au Clos de Rioupéroux.
- Sur une plaque portant les noms de tous les instituteurs de l'Isère morts en 14-18, 39-45. Plaque située à l'intérieur de l'ancienne E.N. (devenue I.U.F.M.) avenue Marcelin Berthelot à Grenoble.
- (ndlr : nous avions remarqué que la plaque de l'EN d'Albertville avait disparu avec les travaux de rénovation ce sera sans doute un de nos objectifs que de faire rétablir cette plaque).
Ont survécu à ces évènements :
- Jean Duby qui habite en Hte Savoie (je n'ai pas son adresse)
- Hubert Ruggieri (adresse inconnue) il est très malade
- Mettral (aucun renseignement sur lui)
- Emile Gauthier, le lorrain, habitant la région parisienne. Je suis en contact fréquent avec lui. Je lui ai parlé de vos projets de brochure sur l'E.N. d'Albertville, peut-être d'un site sur internet. Il serait intéressé par ce que vous ferez, comme moi.
J'espère que ces renseignements vous seront utiles. Je reste à votre disposition pour d'autres précisions.
Bien cordialement.
Henri Pellet
ndlr : on trouvera encore d'autres infos sur le site : http://sectionporte.chez.com/